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Anonyme ne veut pas dire isolé.
Alors qu'elle passait son concours pour devenir professeure des écoles, Sophie a commencé à perdre du poids. Devant les compliments des autres, son nouveau physique est rapidement devenu sa fierté et son gage de réussite, avant de devenir son enfer personnel.
Après plusieurs hospitalisations et des rechutes, elle a réussi à remonter la pente, avec l'aide de ses proches. Depuis, elle lutte contre les tabous qui entourent encore l'anorexie et contre la "diet culture" qui la glorifie sur son compte Instagram dédié @balance.ta.balance et à travers son livre "Les mots pressés" (éditions L'Harmattan).
Récit d'un combat qui porte l'espoir en lui pour toutes les personnes souffrant de Troubles du Comportement Alimentaire:
Sophie: Je m'appelle Sophie, j'ai 30 ans et je suis professeur des écoles.
Sophie: L’année où j'ai passé le concours de professeur des écoles, j'ai pris un studio, j'ai déménagé de chez mes parents. Je travaillais beaucoup le soir et je prenais pas forcément le temps de manger. Du coup, j'ai perdu du poids sans vraiment m’en rendre compte, c'est mon entourage qui m'a fait remarquer que j'avais maigri. Ca m'a plu alors qu’avant ça, je n’avais jamais eu aucun problème ni avec mon poids ni avec mon alimentation. Ça me passait complètement au-dessus de la tête, c'était pas du tout une priorité pour moi, je me sentais bien dans mon corps, bien dans ma tête.
Je n’avais pas de problème avec ça mais mon entourage n'arrêtait pas de me faire des remarques par rapport à ça. Au début, c'était plutôt “ah tu as minci, tu es bien comme ça”. Ca m'encourageait à ne pas reprendre ces kilos que j'avais perdus. Quand j'ai eu plus de temps à la fin de l'année et que j'ai eu mon concours, j'ai repris un peu de poids et je ne l'ai pas du tout accepté parce que j'ai associé ma réussite au concours à ma perte de poids. J'ai commencé à me faire vomir pour arrêter de prendre du poids. J’ai sauté mes repas du soir à nouveau et ça a commencé comme ça. Tous les midis, je me faisais vomir même au travail et le soir je ne mangeais pas.
Sophie: J'avais 26 ans.
Sophie: Exactement, je n’avais pas spécialement envie de perdre encore du poids mais j'avais très peur d’en prendre. Je voulais avoir une marge, je m'étais dit “si je fais 49 kg, j'aurai une marge je serai un peu en dessous des 50 kg, je pourrai reprendre du poids”. Mais après 49kg, je me suis fixé 47 kg puis j'ai continué à vouloir creuser cette marge. Je n'avais pas de balance chez moi, je m’en suis acheté une et j'ai commencé à me peser d'abord une fois par jour, puis deux fois, jusqu'à quinze fois par jour. C'était le matin avant d'aller aux toilettes, après être allé aux toilettes, avant la douche, après la douche, après chaque bouchée de mon repas, j’allais me peser.
Sophie: Je ne mangeais que le midi et et j'allais me faire vomir. Je ne mangeais pas le soir. Au début, je ne mangeais pas le matin mais comme j'étais à l'école et qu’il fallait que je m'occupe des enfants j'ai commencé à prendre un petit déjeuner. Le seul repas que j'arrivais à garder c'était le petit déjeuner puis je me faisais également vomir le petit-déjeuner. C’était infernal.
Sophie: J'avais l'impression d'avoir trouvé l'astuce pour pouvoir manger ce que je voulais et ne pas prendre de poids. Je me sentais assez surpuissante. C'est ça qui est très vicieux dans cette maladie, c'est qu'au début, on est très fier de contrôler son alimentation, de perdre du poids, de voir le chiffre qui descend toujours plus et petit à petit c'est devenu tout ce qui importait: voir le chiffre descendre de jour en jour. Je ne ressentais que les bienfaits: être très mince, contrôler mon alimentation..
Sophie: Oui au début. Je travaillais comme professeur des écoles, j'étais en maternelle, j'avais des petits et moyens. J’arrivais à assurer mes journées de classe et à travailler le soir chez moi. Enfin, j'avais l'impression que tout se passait très bien et qu'il n'y avait aucun problème.
J'ai perdu plus de 20 kg en quelques mois, je suis tombée à 35 kg et là j'ai commencé à avoir des petits malaises, à faire des crises d'hypoglycémie. Je me souviens, j'avais très froid tout le temps, je me couvrais de plein de pulls mais j'avais toujours aussi froid. Quand je rentrais chez moi, je restais collée à mon radiateur pendant des heures et ça m'arrivait quand je me levais un peu vite de tomber. Marcher, monter les escaliers devenait compliqué mais je pense qu’il y avait comme un instinct de survie qui me permettait de tenir quand même.
Sophie: Oui exactement, j'arrivais très bien à tout gérer et je pense que c'est pour ça que la chute a été encore plus difficile. Je suis tombé très bas en termes de poids et ça a été très dur de remonter après. J'ai commencé à faire des crises de boulimie: comme je me faisais vomir mes repas, je commençais à ingérer beaucoup de nourriture pour aller me faire vomir après. Je crois que c'est là que je me suis dit qu'il y avait un problème.
Sophie: Peut-être six mois et j'ai commencé à voir une psychologue.
Sophie: J'avais un peu la pression de mon entourage. C'est vrai qu'après ma forte perte de poids, mon copain s'inquiétait beaucoup. Il me disait qu'il fallait que je fasse quelque chose. Mes parents également. Je suis allé voir mon médecin généraliste, c'était au mois de décembre 2017. Quand je suis arrivé dans son cabinet, je me suis effondrée. Je lui ai dit que je me faisais vomir, elle m'a mis en arrêt de travail pendant deux semaines.
Sophie: Non je ne leur disais rien. Je leur mentais en permanence. Quand mes parents m'invitaient à manger chez eux, je leur disais que j'avais déjà mangé ou alors je trouvais le moyen de me faire vomir après. Une fois, ma mère m'a surprise en train de me faire vomir et là, ça a été un scandale pas possible. C'est là qu'elle m'a dit qu'il fallait que je me fasse aider, que je fasse quelque chose. J'ai commencé à voir une psychologue mais ça ne m'a pas trop aidé.
Un soir, mon copain s'est mis à pleurer en me voyant, il m'a forcé à me peser devant lui. Il m'a amené aux urgences et l'infirmière qui m'a reçu m'a fait dire que j'étais anorexique.
Sophie: Exactement, comme dans ma tête, je mangeais un petit peu, je ne me voyais pas maigre du tout, c'est ça qui est très compliqué. Même si le chiffre est bas, on ne se voit pas tel qu’on est, on se voit toujours trop gros. C'est vrai que je ne me voyais pas du tout comme ça et mon copain à l'époque m’a dit “Tu es anorexique, c'est une maladie. Quand tu as une grippe tu vas chez le médecin, là c'est pareil il faut que tu te fasses soigner”. C'est vrai que je refusais de voir que j'avais ce problème.
Sophie: Tout à fait, c'était le premier à être alerté. Aux urgences ils ne m'ont pas gardé parce que mon bilan sanguin à l'époque était encore bon mais ils m'ont donné une liste des établissements spécialisés dans les troubles du comportement alimentaire. J'ai pris rendez-vous avec une psychiatre la semaine suivante.
Sophie: Pas du tout, j'étais vraiment dans le déni. Je ne voyais pas du tout quel était le problème alors que je me mettais à penser à la nourriture en permanence. Je passais mes journées et mes nuits à chercher des recettes, je rêvais de nourriture la nuit et je pensais à mon poids tout le temps. Je passais mon temps à me regarder dans tous les sens, chercher le moindre défaut.
Sophie: Exactement c'était un moyen de manger par procuration. Je regardais des recettes, des vidéos de recettes mais je ne les faisais pas ou alors je cuisinais mais pour les autres.
Sophie: Tout à fait.
Sophie: Ça va beaucoup mieux. J’ai été hospitalisée trois fois pendant presque un an.
Sophie: Oui, au début j'ai commencé en hôpital de jour. trois fois par semaine et en trois semaines j'ai continué de perdre du poids. J'ai demandé à me faire hospitaliser à temps plein parce que je crois que j'étais vraiment sortie de mon déni et je sentais que j'étais en train de me laisser mourir. Tout me fatiguait: je ne pouvais plus monter les escaliers, je ne pouvais pas marcher plus de dix minutes. Ça n'allait pas du tout donc je me suis fait hospitaliser dans une clinique spécialisée et j'y suis restée un mois. Pendant ce mois-là, je n'ai pas repris de poids. Je n’arrivais pas à manger, c'était une angoisse pas possible.
Et comme mon bilan sanguin se détériorait et que ma vie était en danger parce que j'étais sur le point de mourir, ils m'ont transféré dans un autre hôpital, dans un service nutrition où ils m'ont posé la sonde nasogastrique qu'on passe par le nez et qui te nourrit. Je suis resté un mois dans cet hôpital. C'était des conditions très difficiles parce que les toilettes étaient fermées à clé, il y avait des barreaux aux fenêtres. Je n'avais pas le droit à mon téléphone, pas le droit aux visites. Je suis resté un mois dans cet hôpital et c'était très dur.
Sophie: Pendant deux semaines personne n'est venu et après j'avais droit aux visites mais uniquement le weekend et pendant une heure.
Sophie: Exactement c'était très déshumanisant. Je me souviens que je pleurais tous les jours. Je me sentais seul. Après je suis retourné dans la clinique spécialisée où j'étais au départ. Je suis resté cinq mois, ils m'avaient donné un poids à atteindre pour pouvoir sortir.
Je l’ai atteint le jour de mon anniversaire donc je suis sorti le jour de mes 28 ans. J'ai perdu tout le poids que j'avais pris en un mois et demi et du coup je suis retourné à l'hôpital pendant trois mois. Ça a été très long parce que j'arrivais à remanger, à reprendre du poids mais ça générait tellement d'angoisse en fait que je reperdais le poids immédiatement. Ca a été un peu en dents de scie, j'ai été hospitalisée trois fois : cinq mois la première fois, trois mois la deuxième fois et un mois la troisième fois entre 2018 et 2019. Pratiquement une année d’hospitalisation.
Sophie: Exactement, je voulais m’en sortir mais je ne voulais pas grossir. Je pense que c'est pour ça que j'ai mis du temps à m'en sortir parce que j'avais peur de quitter cette identité que j'avais à travers la maigreur et j'avais peur de quitter l'anorexie et mon contrôle. Je me sentais quand même très mal parce que je voyais bien qu'il y avait un problème. J'étais toujours aussi obnubilée par la nourriture et par mon poids j'étais plus capable de travailler. J'allais à l'hôpital de jour tout le temps. Je n’avais plus le droit de conduire. Je voulais vraiment m'en sortir mais il y avait quelque chose qui bloquait. J’ai eu la pression un petit peu de mon entourage par rapport à ça et quand je suis retourné à l'hôpital la troisième fois, là je me suis dit “Bon cette fois tu vas accepter de reprendre du poids et de remanger”. J’ai mis des œillères: je me souviens dans le bureau de la diététicienne, c'est elle qui me pesait et je regardais pas le chiffre sur la balance parce que ça m'angoissait trop. Et donc j'ai repris du poids comme ça sans prêter attention au chiffre sur la balance. J’ai retrouvé un poids normal et une alimentation à peu près sereine mais ça a été un très long cheminement.
Sophie: J'en avais un peu marre d'avoir leur inquiétude en permanence. Et je me suis rendu compte que la maladie m'avait beaucoup isolé et que j'avais perdu pas mal d'amis à cause de ça. Je me suis retrouvée un peu seule, mon copain de l'époque m'a quittée. Je me suis vraiment retrouvée toute seule. Je me suis dit “Bon en fait soit je meurs soit je m'en sors
Sophie: Exactement. Parce que je me suis rendu compte que la maladie m'avait tout pris. Je ne pouvais plus faire mon travail, je n'étais plus capable d'accepter des invitations chez des gens parce que ça m'angoissait trop. Je restais toute seule, je ne faisais plus rien: je survivais. Je ne vivais pas en fait, pour garder un poids bas et je me suis rendu compte que ma vie d'avant me manquait beaucoup et qu’il fallait que je fasse tout ce que je pouvais pour la retrouver. Ca passait nécessairement par remanger normalement et reprendre du poids.
Sophie: J'ai rencontré pas mal de personnes qui souffraient d'anorexie pendant mes hospitalisations et c’était assez ambivalent parce qu’il y avait une espèce de compétition entre nous: qui était la plus malade, la plus maigre, on se tirait pas trop vers le haut. Je restais assez en retrait par rapport à tout ça enfin, je savais pourquoi j'étais là, pour mes soins. Donc je me souviens qu'à ce moment-là ça ne m'a pas trop aidé de parler avec d’autres personnes qui avaient ce problème. Mais c'est arrivé parce que c'était certaines personnes à un certain stade de leur maladie, peut-être encore en plein déni et qui n'avaient pas encore décidé de s'en sortir vraiment alors que j'avais pris mes distances.
Mais quand j'ai commencé à en parler ouvertement sur Instagram j'ai reçu plein de messages de personnes qui souffraient aussi de troubles du comportement alimentaire. On a presque créé une petite communauté, j’ai reçu beaucoup de soutien et ça me faisait du bien de parler avec des personnes qui vivaient la même chose et qui avaient le même combat et qui faisaient tout ce qu’elles pouvaient pour s'en sortir.
Sophie: Je dirais de ne pas hésiter à en parler soit à un proche soit à un professionnel. Peut-être à un proche dans un premier temps et après chercher des professionnels de santé, psychologue, diététicien parce que c'est une maladie qui isole énormément et je pense que si j'en avais parlé plus tôt, je n'aurais pas été aussi loin et je n'aurais pas mis autant de temps à m'en sortir. Je pense que c'est la première chose à faire: en parler et ne pas rester seul face à sa maladie.
Sophie: Je crois que je lui dirais de ne pas perdre espoir qu'il y a un avant et un après et que ça vaut le coup de s'accrocher et de continuer à se battre.
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