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« Arrête de jouer les hypocondriaques, t’es totalement parano », une phrase-type qui résume efficacement notre tendance à réaliser des abus de langage, et à laisser des termes appartenant à la clinique se glisser dans le quotidien et jouer les adjectifs qualificatifs. Cependant, qu’est-ce que l’hypocondrie, la vraie ? Concerne-t-elle essentiellement des adultes et sujets âgés entretenant une préoccupation disproportionnée pour eux-mêmes et leur corps ? Que vient dire ce rapport à la santé des personnes qui en sont atteintes ? Et surtout, comment y faire face et comment aider les personnes concernées ?
L’étymologie de ce trouble ne tombe pas sous le sens sans un minimum de contextualisation socio-historique. En effet, ce dernier réunit les racines grecques « hypo » qui signifie « sous » et « khondros » qui fait référence au cartilage des côtes. Or, au XVIème siècle, période d’émergence de la notion d’hypocondrie, la médecine attribuait une composante fictive et allégorique aux douleurs dont le foyer était localisé sous les côtes droites car l’examen de cette région était à l’époque impossible. Et qui dit invisible pour les médecins, dit inexistant. Vous suivez ?
L’hypocondrie serait alors le propre de ceux que la médecine ne croit pas ? Pas réellement. En effet, la dénomination « crainte excessive d’avoir une maladie » (ill anxiety disorder) lui est aujourd’hui préférée, invitant à considérer ce syndrome sous le prisme des troubles anxieux. Ainsi, le trouble hypocondriaque implique l’existence d’une inquiétude obsessionnelle quant à l’idée de développer ou d’être atteint d’une maladie physique grave et évolutive. Le sujet exprime des plaintes somatiques qui s’intègrent et font suite à une préoccupation durable pour le corps. En principe, l’inquiétude hypocondriaque reste fixée sur une ou deux régions du corps, qu’elles soient superficielles ou profondes (conviction qu’un organe est endommagé, lésé).
L’essentiel ici, c’est de garder à l’esprit que les symptômes sont bien réels : ce n’est pas la perception qui est troublée, de même que l’hypocondriaque n’est pas un manipulateur. Aussi, l’origine du problème s’enracinerait plutôt dans une interprétation systématiquement péjorative et gravissime de signaux et sensations anodines.
Par exemple, il nous est quasiment tous déjà arrivé d’avoir un bref épisode de palpitations cardiaques que nous ne parvenons pas à associer à un facteur explicatif (il peut alors s’agir d’un stress organique ou psychique non identifié, d’une consommation excessive ou inhabituelle de boisson énergisante, d’une fatigue générale liée à un sommeil de moins bonne qualité ou peu conséquent…). Là où une personne ne souffrant pas d’hypocondrie va considérer cette sensation pénible comme un événement isolé sans gravité, dans la mesure où il se résout spontanément, celui ou celle qui souffre d’hypocondrie va potentiellement l’interpréter comme la manifestation d’un trouble du rythme, ou d’une malformation cardiaque, le ou la poussant à porter son attention encore davantage sur ses sensations dans la poitrine.
S’esquisse ainsi un cercle vicieux : suspecter le trouble favorise la multiplication des sensations qui y sont associées tandis que l’impossibilité d’objectiver l’existence d’une pathologie à l’examen médical abîme le lien thérapeutique entre corps soignant et patient. Pourtant, la conviction d’être atteint d’une maladie prétendument indétectable reste intact.
L’énergie dépensée dans la reconnaissance de la maladie et du dommage perçu s’accroît tandis que la souffrance – somatique et psychique – persiste. Ici transparaît le deuxième paramètre qui nous permet de faire le pont entre une inquiétude anodine au sujet d’une maladie et un trouble pathologique et envahissant à l’instar de l’hypocondrie : le caractère répétitif des ruminations et de la requête. On parle parfois même de « carrière médical » des personnes touchées par l’hypocondrie, qui enchaînent les consultations chez les spécialistes en dépit des résultats favorables de leurs examens.
Que l’on se réfère au Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-V, 2013) ou à la Classification Internationale des Maladies, la crainte excessive d’avoir une maladie appartient aux troubles dits somatoformes, en ce sens que leurs répercussions prennent la forme d’une maladie physique. Elle entretient un lien étroit avec l’anxiété, qui est le préalable à la préoccupation envahissante retrouvée dans le trouble hypocondriaque.
0.8 à 4.5 % de la population mondiale serait concerné par la crainte excessive d’avoir une maladie. Toutefois, comme nous pouvons aisément nous en douter, de telles estimations sont potentiellement biaisées. En effet, il convient de prendre en considération d’une part les hypocondriaques qui existent en marge du système médical, et n’ont pas encore été repérés comme tels, tandis qu’il serait d’autre part paternaliste de penser que certaines personnes n’aient pas reçu de diagnostic à tort, alors qu’elles souffrent bel et bien d’un trouble somatique potentiellement non psychogène qui n’a pas encore pu être repéré.
Alors, comment savoir si je suis hypocondriaque ou non ? Est-ce forcément malsain de suspecter une maladie quand on sent que quelque chose ne va pas dans son corps ?
Un premier élément de réponse est qu’il y a suspecter une maladie et suspecter le pire. En effet, peut-être que cette faiblesse musculaire dans la cheville droite qui m’a fait perdre l’équilibre au milieu du supermarché vaut le coup de consulter un médecin, et éventuellement de me faire prescrire des séances chez un kinésithérapeute si nécessaire. En revanche, il serait peut-être un peu précipité de penser qu’il s’agit de la poussée inaugurative d’une sclérose en plaques.
Ensuite, il convient de rappeler qu’il existe d’autres troubles qui peuvent nous faire penser à la crainte obsessionnelle d’avoir une maladie et lui ressemblent de prime abord mais ne cochent pas toutes les cases du tableau.
Dans un registre moins grave mais potentiellement tout aussi envahissant, nous pouvons retenir le fameux « syndrome de l’étudiant en médecine ». Ce dernier se réfère à la tendance des étudiants en santé, dans le cadre de leur apprentissage des différentes pathologies, à s’auto-diagnostiquer ou à diagnostiquer leurs proches de maladies plus ou moins rares et souvent graves. Ici, le stock important de ressources sémantiques liées à la pathologie facilite le rapprochement du symptôme avec une interprétation péjorative.
Ce syndrome serait à rapprocher de la catégorie des nosophobies, qui correspondent à la peur plus général mais démesurée de contracter une maladie. La ligne rouge entre nosophobie et hypocondrie réside ainsi dans l’objet de la préoccupation : là où les hypocondriaques seront fixés sur leurs sensations corporelles, les nosophobes tendront à contrôler leur environnement. Ils surveilleront ainsi leur hygiène de vie et habitudes quotidiennes (alimentation, transports en communs…) car ils se sentent vulnérables face au potentiel pathogène du monde extérieur. Si elle relève déjà d’un trouble anxieux, elle devient plus inquiétante lorsqu’elle donne lieu à des comportements obsessionnels, à l’instar des ritualisations (désinfection méthodique des vêtements et du domicile, lavage scrupuleux du corps et des surfaces) et des pensées intrusives. Ici cependant, comme dans tout aménagement phobique ou syndrome obsessionnel, le caractère irrationnel de la croyance et des comportements qu’elle produit est spontanément reconnu par le sujet. La crainte excessive d’avoir une maladie diffère ainsi de la nosophobie, en ce sens qu’elle ne permet pas au sujet d’être conscient de son trouble et de le reconnaître sans l’appui d’un tiers.
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Les origines du trouble hypocondriaque sont difficilement identifiables.
En revanche, il est plus fréquemment présenté par des patients ayant un certain profil. L’hypocondrie est en effet souvent associée à des troubles anxieux, de l’humeur ou de la personnalité. Ainsi, l’anxiété, le trouble anxieux généralisé, le trouble panique, la dépression, l’accès maniaque (retrouvé dans la bipolarité) et les troubles de la personnalité obsessionnelle et évitante favorisent les chances d’apparition du trouble.
Un tel constat consolide la nécessité d’abandonner le stéréotype du « malade imaginaire » car le mal est bien là, même si le mal-être s’est fait remplacer par l’avoir mal. Sa présence vient également parler du rapport que l’individu entretient avec la maladie.
Ces apprentissages peuvent remonter à l’enfance, parfois marquée par une éducation parentale axée sur la peur de développer une pathologie ou de se faire mal ou bien l’existence d’un proche malade dans l’entourage.
Elle peut également être réactionnelle à un événement de la vie adulte, comme le développement d’une maladie réelle.
Cependant, un facteur favorisant significativement l’intensité et l’apparition des craintes excessives d’avoir une maladie ces dernières années est l’accès virtuel aux ressources médicales. On parle alors de cybercondrie pour désigner la consultation parfois compulsive d’Internet pour investiguer et identifier des « symptômes » repérés sur soi ou autrui.
Somme toute, comme tout trouble mental, la crainte excessive d’avoir une maladie n’émane pas d’une source fixe et il convient d’écouter attentivement la plainte du sujet afin de pouvoir orienter son accompagnement.
La pire chose qui pourrait arriver aux personnes touchées par l’hypocondrie serait d’être négligées. Avant de croire, il faut entendre. Ainsi, avant de se précipiter sur doctissimo – qui diagnostiquera probablement une leucémie en stade terminal en réponse à vos céphalées apparues en même temps que ce bleu sur votre cheville –, le mieux est de rester attentif aux plaintes et sollicitations des concernés et de leur conseiller de faire réaliser un bilan médical (analyse biologique, éventuelles imageries…). Le scénario catastrophe ? Briser le lien de confiance entre patient et soignant, ou encore entre sujet et entourage. C’est ce qui se produit lorsque l’on qualifie leurs inquiétudes d’extrapolations et qu’on s’attache à les rationaliser. Cela nourrira en effet le sentiment d’injustice de l’hypocondriaque, qui gardera l’intuition que quelque chose de gravissime va lui arriver car personne n’aura voulu croire ce que seul lui peut ressentir.
Ainsi, une fois qu’une exploration fonctionnelle et anatomique a été réalisée et n’a objectivé aucune anomalie, l’hypothèse hypocondriaque peut être évoquée. Cette suggestion est toujours délicate et risque de déclencher une réaction défensive de la part de l’autre et c’est pour cela que seul un médecin peut poser ce diagnostic, en s’appuyant sur la récurrence des inquiétudes et le caractère systématiquement péjoratif des interprétations sensorielles évoqués plus haut. Cette étape, bien que douloureuse, est cruciale dans le parcours vers le mieux-être car elle va permettre d’aborder la mise en place d’une démarche psychothérapeutique s’il elle n’est pas déjà existante. Par exemple, des exercices empruntés aux thérapies cognitivo-comportementales (méditation en pleine-conscience, restructuration cognitive…) pourront être efficaces pour lutter contre l’anxiété sous-jacente, même si toutes les approches sont efficaces à condition que le sujet soit à l’aise avec elles. Ainsi, là où l’école psychanalytique cherchera à donner une voie de symbolisation à l’angoisse afin que celle-ci n’ait plus à se cristalliser dans le corps et les mécanismes obsessionnels, l’approche cognitivo-comportementale s’attachera à assouplir les mécanismes interprétatifs et le système de croyance tout en soulageant l’anxiété via des changements dans le quotidien.
L’un des principaux leviers psychothérapeutiques dans la prise en charge de la crainte obsessive d’avoir une maladie est la psycho-éducation. Elle consiste à délivrer au sujet les connaissances nécessaires sur son trouble, des facteurs susceptibles de le favoriser et d’accentuer son intensité aux manifestations somatiques liées au stress. Une fois ces clés de compréhension en poche, le psychothérapeute peut inviter le concerné à tenir un carnet de bord articulé autour de l’auto-observation. Ainsi, chaque fois que les croyances hypocondriaques culminent et / ou qu’une détresse émotionnelle caractérisée apparaît, le sujet peut le reporter dans son journal en y associant le plus de détails possibles : Quelle heure était-il ? Quel événement a précédé la crise ? Qu’étais-je censé faire directement après ? Étais-je seul ou non ?
Enfin, un exercice étonnant mais parfois bénéfique réside dans la question « Et que feriez-vous si cela était vrai ? ». Si, de prime abord, cette phrase peut apparaître comme la pire idée à adopter face à un hypocondriaque, elle peut permettre, dans de bonnes conditions (alliance thérapeutique solide avec le psychologue par exemple) de redonner de la perspective aux schémas de croyances qui sous-tendent les inquiétudes hypocondriaques. Si j’avais réellement une maladie grave et indétectable, que ferais-je différemment ? Est-ce que je quitterais mon travail ? Est-ce que j’abandonnerais mes amis pour partir voyager ? Est-ce que j’achèterais les pâtes 30 centimes plus chères au supermarché ? Est-ce que toutes mes valeurs changeraient ?
Parallèlement au traitement psychothérapeutique, peut-être proposé un traitement par anti-dépresseurs et / ou anxiolytiques pour enrayer l’engrenage de l’anxiété et du ralentissement psycho-moteur. Ce dernier doit toutefois être ré-évalué régulièrement par un psychiatre ou un médecin généraliste et doit être entendu comme une béquille transitoire dans le plan d’accompagnement.
Finalement, nous pourrions dire qu’il y a autant de craintes excessives d’avoir une maladie qu’il y a de personnes qui en souffrent. L’étape la plus délicate est de repérer l’origine psychique du mal-être et de l’amener progressivement à consulter des professionnels de santé mentale sans qu’elle ne se sente stigmatisée ou non entendue. Le principal levier d’aide sera de comprendre l’origine de l’angoisse pour mieux la soulager.
Bibliographie :
Organisation Mondiale de la Santé, Classification Internationale des Maladies : 10ème Révision, Genève, 1994.
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